mercredi 24 octobre 2012

Valeur à déclarer à l'ISF pour le compte courant d'associé d'une entreprise en difficulté

Compte courant d'associé et ISF, la difficile valorisation dans un contexte d'entreprise en difficulté

Dans un récent arrêt, la chambre commerciale apporte des précisions sur la méthode de valorisation du compte courant d'associé détenu dans une société en difficulté au regard de l'ISF. 
Cet arrêt présente deux apports majeurs
  • La seule situation nette comptable négative dans les comptes de la société ne suffit pas pour évaluer le compte courant d'associé à sa valeur probable de recouvrement. 
  •  Ensuite, la charge de la preuve des difficultés que connaît l'entreprise pèse sur le contribuable.

Dans cette affaire, les juges de cassation ont eu à se prononcer sur la valorisation des comptes courants d'associé détenus dans deux sociétés. Le contribuable avait pris l'initiative de diminuer leur valeur dans sa déclaration ISF, au motif que les sociétés concernées rencontraient des difficultés économiques.
Il avait ainsi procédé à une déclaration estimative prenant en compte les perspectives réelles de recouvrement.
Percevant une sous-estimation de la valeur de ces comptes courants d'associé, l'administration fiscale lui avait adressé deux propositions de rectification. Dans ces circonstances, le contribuable avait effectué une réclamation contentieuse, qui fit l'objet d'une décision de rejet. Ce dernier a alors porté l'affaire devant le juge judiciaire. A la suite de son décès, l'instance a été reprise par ses ayants droit qui se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de rejet rendu par la Cour d'appel de Douai le 21 mars 2011.
Il est de principe qu'en vertu des dispositions de l'article 885 S du CGI, la valeur des biens et droits qui constituent l'assiette de l'ISF est déterminée selon les règles applicables en matière de droit de succession.
Quant aux comptes courants d'associé, l'article 885 E du même Code vient préciser, dans son alinéa 1 er , que l'assiette de l'ISF est déterminée par leur valeur nette comptable au 1 er janvier de l'année de déclaration.
Dans un arrêt rendu le 11 mars 2008 par la chambre commerciale (Cass. com., 11 mars 2008, n°07-10.643), la Cour de cassation était venue asseoir ce principe en soulignant toutefois que les comptes courants d'associé pouvaient être évalués par le contribuable pour leur valeur probable de recouvrement compte tenu de la situation financière de l'entreprise
Pour procéder à cette méthode d'évaluation, deux conditions cumulatives doivent être remplies : les comptes détenus dans l'entreprise ne doivent pas être bloqués, et cette dernière doit se trouver en situation de difficultés financières.
Il est utile de préciser ici que l'administration fiscale a défini les entreprises en difficulté comme celles « ayant subi chroniquement des déficits traduisant une situation particulièrement obérée et dont les perspectives d'avenir sont compromises » (Documentation fiscale de base 7 S-351, paragraphe n°19). 
La seule situation nette comptable négative dans les comptes de la société ne suffit pas pour évaluer le compte courant d'associé à sa valeur probable de recouvrement
Dans leur décision du 15 mai 2012, les juges ont également apporté des précisions quant à la notion d'entreprise en difficulté. En effet, le seul fait que les comptes sociaux de l'entreprise révèlent une situation nette comptable négative ne suffit pas à caractériser des difficultés économiques lourdes rencontrées par celle-ci. Dès lors que l'entreprise ne se trouve pas en difficulté au sens de l'administration fiscale, le contribuable ne remplit pas les conditions lui permettant de déclarer une valeur probable de recouvrement des comptes courants au 1 er janvier de l'année d'imposition inférieure à la valeur nominale figurant au bilan.
En l'espèce, la situation nette négative des sociétés dans lesquelles le contribuable détenait ses comptes ne suffisait pas à caractériser leurs difficultés financières et ce dernier n'était donc pas fondé à procéder à une estimation de la valeur de recouvrement de ceux-ci, par hypothèse inférieure à la valeur nominale figurant au bilan. 
La charge de la preuve des difficultés financières rencontrées par l'entreprise pèse sur le contribuable
S'il est de principe que la valeur des comptes courants d'associé soit déterminée par la déclaration du contribuable, cette déclaration peut néanmoins faire l'objet d'une contestation par l'administration fiscale.
En l'espèce, l'évaluation effectuée par le redevable a fait l'objet d'une contestation. Et l'argumentation formulée par les demandeurs selon laquelle « le droit pour le contribuable de fonder l'évaluation du compte courant sur sa valeur probable de recouvrement ne suppose nullement la démonstration préalable de l'existence des difficultés financières de la société » a été purement et simplement rejetée par la Cour.
Pour autant, un précédent arrêt rendu par la chambre commerciale en matière de compte courant d'associé et d'ISF mérite de retenir toute l'attention du lecteur (Cass. Com., 19 janvier 2010, n°09-10.994).
Dans cette affaire, l'administration fiscale avait reproché à un contribuable d'avoir omis d'inclure dans sa déclaration, et ce pendant plusieurs années, le solde créditeur d'un compte courant qu'il détenait dans une société. Pour toute réponse, ce dernier a invoqué les difficultés financières rencontrées par l'entreprise et a ensuite prétendu que la valeur probable de recouvrement du solde était nulle. Ses allégations ont été rejetées et les juges de cassation ont posé le principe selon lequel, en l'absence de déclaration du compte, l'administration est fondée à en fixer la valeur au regard de la seule valeur nominale et c'est à l'associé qui entend contester l'évaluation retenue d'en établir la valeur réelle.
Ainsi, les associés ont tout intérêt à porter dans leur déclaration la valeur de recouvrement du compte qu'ils estiment probable même si elle est nulle. En effet, dans cette hypothèse la charge de la preuve est inversée et c'est à l'administration de démontrer que le montant déclaré est insuffisant compte tenu de la probabilité de remboursement du compte.
Dans l'arrêt rendu le 15 mai 2012, la Cour revient sur sa position et pose le principe selon lequel «?il appartient au contribuable de rapporter la preuve des difficultés financières alléguées à la date du fait générateur de l'impôt, de nature à justifier que les comptes courants soient évalués à la valeur probable de recouvrement, inférieure à la valeur nominale figurant au bilan ». 

Magazine_Gestion de Fortune _ 09/2012






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire